Œuvres tissées

Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves

Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves (Bilbo parvient aux huttes des Elfes des Radeaux)
D’après une aquarelle originale de J.R.R. Tolkien pour The Hobbit, 1937, tapisserie de 3,2 m x 2,78 m, tissage Ateliers A2 et Françoise Vernaudon, Aubusson, 2018. Collection Cité internationale de la tapisserie. © The Tolkien Estate Ltd 1937.

Le 06 avril 2018, la première tapisserie jamais créée d'après l'œuvre graphique originale du père de Bilbo Le Hobbit, J. R. R. Tolkien, était dévoilée après des mois de tissage, et entrait dans les collections de la Cité internationale de la tapisserie. Le travail des lissières de l'Atelier A2 et de l'atelier Françoise Vernaudon avait su convaincre la foule rassemblée pour la découvrir et l'œuvre avait été saluée par la Famille Tolkien. 

En découvrant Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves, Baillie Tolkien, belle-fille du célèbre auteur et qui a été son assistante pendant les dix dernières années de sa vie, notait à quel point la tapisserie soulignait la qualité de l'œuvre de son beau-père en la transposant dans des dimensions monumentales. Elle se réjouissait de la rencontre du savoir-faire français avec l'œuvre graphique du « so British » Tolkien : « Je suis convaincue qu’il aurait été absolument ravi de cette tapisserie et du fait que des mains humaines ont travaillé maille après maille pour reproduire son œuvre. »

Retrouvez la tombée de métier en vidéo :

L'œuvre

L'aquarelle originale

C’est l’illustration préférée de Baillie Tolkien. Après leur combat avec les araignées, la troupe de hobbits se fait capturer par les Elfes de la Forêt : seul Bilbo leur échappe, grâce au pouvoir de l’anneau. Les suivant jusqu’à leurs cavernes, il finit par libérer ses compagnons et les cache dans des tonneaux de vin vides, tonneaux rejetés dans la rivière grâce à une trappe prévue à cet effet. Bilbo se cramponne à l’un des barils et tous dérivent sur la rivière, jusqu’à ce qu’ils soient récupérés par les Elfes des Radeaux qui transportent les tonneaux vides vers Bourg-du-Lac. Contrairement au texte qui fait se dérouler la scène de nuit, le jour est levé : peut-être ce soleil levant suggère-t-il la « renaissance » de la compagnie, après son enfermement au palais du roi des Elfes de la Forêt, Thranduil. Une fois encore, Tolkien se sert en expert de la gouache, en particulier pour l’eau claire autour des barils. Pour le ciel matinal brillant, il s'agit tout simplement de la couleur du papier vierge.

Le Hobbit (Extrait - Chapitre 9 « Treize tonneaux à la dérive »)

« Ainsi M. Bessac finit tout de même par arriver dans un lieu où les arbres devenaient plus clairsemés de chaque côté. Un ciel plus pâle se dessinait entre leurs cimes. Le sombre cours d’eau s’élargit soudain et rejoignit le flot généreux de la Rivière de la Forêt, arrivée en trombe des grandes portes du roi. Au milieu de cette échancrure, à la surface des eaux qui glissaient imperceptiblement, se voyaient les reflets changeants et brisés de nuages et d’étoiles. Puis le flot pressé de la Rivière de la Forêt entraîna tous les fûts et les barriques vers sa rive septentrionale, où son  cours avait sculpté une large baie. Celle-ci était ceinturée de hautes berges qui donnaient sur une plage de galets, et du côté est, un petit promontoire rocheux s’avançait jusqu’au rivage. La plupart des tonneaux s’échouèrent dans ses eaux peu profondes ; d’autres se heurtèrent à sa jetée de pierre. »

Un tissage inédit

© The Tolkien Estate Ltd 1937 / Photo Nicolas Roger

Après une semaine consacrée au montage de la chaîne sur le métier à tisser, la responsable de l’Atelier A2 France-Odile Crinière-Perrin et ses deux collaboratrices Patricia Bergeron et Aïko Konomi, toutes deux issues de la formation de lissiers, ont réceptionné les laines fournies par la Filature Terrade à Felletin et teintes spécialement pour le projet par le teinturier aubussonnais Thierry Roger. Pour éviter les disparités et créer l’unité de la tenture Tolkien, la Cité de la tapisserie a en effet choisi de fournir aux ateliers chargés des tissages les laines teintes selon les couleurs définies par le comité de tissage et qui sont communes aux différentes pièces.

Débuté au cours du mois de décembre 2017, ce premier tissage Tolkien a représenté un marathon. L'équipe s'est renforcée avec l'arrivée de la lissière Françoise Vernaudon à partir de janvier 2018. La tapisserie a été achevée début avril 2018.

Au-delà du rythme soutenu, les œuvres de la tenture Tolkien représentent un défi technique, car la manière de la tisser demande une certaine gymnastique. La définition des grands principes techniques et esthétiques des futures tapisseries a été établie en amont par le comité de tissage constitué de la cartonnière Delphine Mangeret, d’un lissier retraité référent, René Duché, et du conservateur de la Cité de la tapisserie Bruno Ythier. Le choix retenu a été de tisser comme si J. R. R. Tolkien en personne avait amené ses dessins aux ateliers d'Aubusson, c'est-à-dire en s'inspirant des réalisations des années 1930 au sein de l’École nationale d’Art décoratif d’Aubusson et en guidant les lissiers chargés des tissages selon un principe d’interprétation ancien que l’École avait remis en avant : l’usage de couleurs pures et une écriture technique très marquée en prenant modèle sur la tapisserie des XVe et XVIe siècles, peu utilisée aujourd’hui.