Histoire des ateliers

La Manufacture Roby

À la fois tapissiers, peintres et marchands, les Roby ont su faire prospérer leur entreprise familiale en renouvelant régulièrement leur catalogue pour offrir à leurs clients des modèles à la mode.

Une entreprise familiale locale

La Manufacture Roby était une entreprise familiale locale à la tête de laquelle se trouvaient trois frères, qui dirigeaient chacun un atelier important. La première branche de la famille est celle de François Roby, dit "l’Aîné". Il était l’un de deux peintres chargés de l’enseignement du dessin dans les écoles mises en place par le Peintre du Roi, Jean-Joseph Dumons, qu’il a suppléé pour la fourniture de dessins de tapis de pied. Léonard Roby, dit "Le Jeune", est le deuxième des frères Roby. Enfin, Jean Roby et ses fils constituent la troisième branche de la famille. François Roby de Faureix, le fils de François Roby, était lui aussi peintre et tapissier. Après avoir étudié pendant 4 ans aux Gobelins au sein de l’Atelier d’Antoine Boizot, il a été chargé d’entretenir à Aubusson les cartons envoyés par la Couronne. C’est lui qui tenait les comptes de l’entreprise familiale.

Un catalogue riche et varié

Les Roby ont cherché à se procurer de nouveaux cartons pour renouveler régulièrement leur catalogue et l’adapter ainsi au goût du jour, stratégie commerciale qui s’est révélée très efficace. Léonard Roby a su choisir des sujets à la mode, qui était alors à la pastorale, aux scènes champêtres, de foire et de pique-nique après la chasse mais aussi à la mythologie galante. Il a ainsi acheté aux héritiers de Michel Audran, entrepreneur des Gobelins, des cartons d’après Étienne Jeaurat que ce dernier avait fait tisser pour son compte personnel : l’histoire de Daphnis et Chloé et des Fêtes de village, comédie satirique de Dancourt très à la mode durant tout le XVIIIe siècle. Il a également acquis des cartons originaux répondant aux attentes de la clientèle pour des scènes de chasse à petites figures. Par ailleurs, François et Léonard Roby écoulaient une partie de leur production auprès de leurs confrères Goubert et Picon, auxquels ils en confiaient la vente. Ils avaient également recours à des dépôts à la boutique parisienne de l’avocat et négociant Jean-Louis Rogier.

Une spécialité : les chasses

L’ensemble de "Chasses" réalisé par la Manufacture Roby constitue un ensemble bien spécifique de la production aubussonnaise du XVIIIe siècle, du fait de sa rareté. Certains des motifs des chasses ont été déclinés dans des garnitures de meubles, qui sont devenues, au moment de la Révolution, une activité centrale des Roby : la branche de Jean Roby et ses fils étaient en mesure de renouveler leurs dessins tous les trois mois. Malgré tout, le métier de peintre des Roby reste mal connu, à l’instar des autres peintres locaux. En effet, étant attachés à une manufacture, ils étaient condamnés à rester dans l’ombre. Sous l’Ancien Régime, les peintres de cartons avaient un rôle d’intermédiaire peu valorisé. Les cartons étaient alors considérés comme des instruments de travail, ce qui a contribué à l’effacement de leurs auteurs.

Texte d’après Pascal Bertrand, Aubusson Tapisseries des Lumières.